Artistes2jadis
En hommage
à une artiste
Elle s’appelait Camille et elle est née en 1864. Son art était la transformation de la pierre, et sa sensibilité reste manifeste au Musée Rodin près des Invalides à Paris. A titre bibliographique, des références existent, comme par exemple l’ouvrage que lui consacre Anne Delbée, Edition des Presses de la Renaissance, 1982 ; pour un travail de mémoire qui se rapporte à un nom à jamais : une fille Claudel.
Le programme serait celui de la fragilité de la vie, mais la vie qui se manifeste dans les créations de terre cuite de cette artiste vaut le déplacement près des Invalides à Paris, comme par exemple, suivant la reproduction fournie ici, « la jeune fille à la gerbe », 1886

La difficulté d’une reproduction revient à s’imaginer une véritable forme sensible à partir d’un procédé qui écrase les moyens de perceptions sur une simple carte postale : les effets d’ombres et de lumières ont une importance évidente dans le procédé, mais le fait de Camille est de nous laisser des vraies réalités, certes figées dans des matières minérales, pour glorifier cette union précieuse entre un domaine organique et un domaine spirituel.
Sans doute se ferait-il une comparaison entre les sculptures de Camille, et le Penseur ou le Balzac de Rodin… Et l’on conviendrait de la finesse des créations de Camille, à opposer au poids des sculptures en bronze de Rodin : on s’entendrait à opposer le féminin et le masculin, et à ne pas connaître autre chose qu’une rupture telle qu’elle s’est produite entre Camille et Rodin vers 1893, puis de conclure du peu de poids que la vie de Camille représentait etc…
Notons néanmoins que la création dite « des Causeuses » de Camille, d’une pureté verdâtre par la nature du matériau en onyx, se présente techniquement dans les mêmes styles de faiblesses anatomiques que le Penseur de Rodin ; notons de même que quelques bustes de jeunes filles en terre cuite de Rodin se présentent dans des aspects relativement comparables aux créations de Camille dans ce genre. Bref, une formule par laquelle il fallait conclure du peu de poids que la vie de Camille représentait dans la carrière de Rodin serait une formule un peu courte.
Très exactement, l’explication d’un tournant dramatique au cours d’une vie ne peut se réduire à une simple formule ; il y a, pour les constats objectifs, que, réputée folle, Camille a été internée à partir de 1913 jusqu’à sa mort en 1943 ; et il y a, pour l’honnêteté intellectuelle du monde artistique, que la vie de Camille présente une cassure manifeste entre les promesses d’une créativité subtile et les cruautés du monde réel : le fracas de certaines manifestations dans le monde réel a conduit à quelque chose qui ne peut aucunement se réduire à une simple formule !
D’un point de vue méthodologique, une cassure manifeste peut correspondre à un fait marquant que les observateurs peuvent dater d’une manière factuelle : pour parler de Camille, certaines manifestations fracassantes peuvent effectivement être datées en 1913. Pour autant, un fait marquant correspond à une situation qui ne se laisse pas résumer par une simple formule, comme en témoigne l’illustration faite ci-dessous :

Méthode de « l’arbre des causes »,
illustrée à partir d’une situation
« l’hiver dernier,
Pierre a eu un grave accident de voiture,
en glissant sur une plaque de verglas »
La question « pourquoi » conduit à un genre :
celui des formules courtes
« pourquoi Pierre a-t-il eu un grave accident de voiture ? »
=> La réponse : « car il y avait une plaque de verglas sur ce passage »
« Qu’a-t-il fallu ? » produit une arborescence mieux détaillée
=> Des enchaînements de véritables questions
« Qu’a-t-il fallu
pour produire une certaine vitesse sur ce passage ? »
Dans le cas de Camille, des hypothèses existent. Il en découle une appréciation de telles ou telles souffrances. Mais cela revient à dire, avec tels ou tels mots, des choses d’une réalité qui se rapporte d’une part à l’indicible, et d’autre part à certaines promesses inaccomplies, donc relativement virtuelles. Un travail de mémoire peut être en lui-même porteur de promesses, en étant dans le même temps condamné à la chose inachevée !
Restons-en à des manifestations réelles : celles des créations subtiles abritées par le Musée Rodin près des Invalides à Paris. Et celle d’un nom à jamais : une fille Claudel.